mercredi 13 octobre 2010

CHILI - Florencio Avalos, premier mineur libéré

Bravo ! Bravo!" Il est exactement minuit et 11 minutes à la mine de San José (5 h 11 à Paris) : Florencio Avalos surgit des entrailles de la Terre dans un énorme nuage de vapeur. "La mine accouche pour la première fois", pour reprendre la métaphore du ministre chilien de la Santé, Jaime Mañalich. Florencio Avalos, contremaître de 31 ans, semble en pleine forme sous son casque d'ouvrier blanc et derrière ses lunettes de soleil qui bloque tous les ultra-violets. Sur son uniforme, ses 32 collègues bloqués avec lui dans la mine depuis le 5 août ont griffonné plusieurs messages d'encouragement. Florencio Avalos embrasse son jeune fils, puis sa femme Monica, dans un tonnerre d'applaudissements des secouristes. Son jeune frère Renan n'est, hélas, pas là pour le recevoir. Et pour cause : il est encore prisonnier au fond du gisement.


Devant les caméras, le président chilien Sebastián Piñera étreint longuement le premier mineur, et lui murmure quelques mots à l'oreille. Le sauvetage avait débuté une heure plus tôt, vers 23 h 20. Manuel Gonzalez, premier secouriste à descendre, disparaît alors dans la nacelle Fénix, peinte aux couleurs rouge, blanc et bleu du drapeau chilien. Sous les cris de "Chi-Chi-Chi Chile !" et quelques applaudissements timides. Florencio Avalos a été choisi pour être le premier à sortir par les médecins et les ingénieurs en raison de son mélange de jeunesse et d'expérience. "Il représente désormais le courage de tous les Chiliens", affirme Sebastián Piñera.


Telenovela


Car depuis leur célèbre message en majuscules rouges du 22 août - "Nous allons bien dans le refuge, les 33" -, les "otages" du gisement se sont convertis en superstars. Qui n'a pas vibré au rythme de leur histoire ? Qui ne s'est pas passionné des avancées de la Strata 950 ou de la Schramm T-130, immenses machines de perforation des plans de sauvetage A et B ? Du pape Benoît XVI, qui leur a envoyé des chapelets, aux joueurs du Real Madrid, qui leur ont dédicacé des maillots, la planète entière s'est informée régulièrement de leur sort.


L'odyssée des "33", comme ils se surnomment eux-mêmes, contient tous les ingrédients d'une passionnante telenovela (série TV) latino-américaine : le drame, tout d'abord, suite à l'effondrement d'une partie de la mine où ils travaillaient le 5 août ; l'espoir, ensuite, quand le monde apprend qu'ils sont en vie ; enfin, un suspense euphorique entretenu jusqu'au bout du sauvetage. Avant de recevoir vivres et médicaments via des capsules de métal et l'intérêt des médias du monde entier pour le sauvetage le plus profond de l'histoire (624 mètres), les 33 mineurs ont pourtant dû patienter. Au total, ils ont tenu 17 jours sans le soutien de personne dans leur prison souterraine. Ils ont maigri d'une dizaine de kilos et survécu grâce à une organisation minutieuse et à raison d'un demi-verre de lait et de deux bouchées de thon tous les deux jours.


Dévotion et humour


En surface, leurs proches ont aussi passé des heures bien difficiles. "Quelques jours après l'accident, nous n'étions qu'une poignée de proches à dormir à même la roche", se souvient Lilianette Ramirez, épouse du mineur Mario Gomez. Puis, jour après jour, le campement Esperanza (espoir), aux abords de la mine, s'est organisé. Le gouvernement a monté des tentes de l'armée, tandis que la ville de Copiapó donnait matelas, couvertures et nourriture aux familles. Les journalistes - une cinquantaine jusqu'à la fin août - affluent en quelques semaines de toute la planète : Paris, Washington, Pékin... Ils sont désormais 2.000 reporters en provenance de 36 pays distincts à guetter la sortie des "naufragés de la Terre", pour 800 parents et amis.


Catholiques ou évangélistes, les mineurs et leurs familles puisent dans leur foi des forces pour tenir le coup. Les statuettes et images de la Vierge et de San Lorenzo, saint patron des mineurs, invitent à la dévotion à chaque recoin du campement "Espoir". L'humour est aussi l'un des meilleurs moyens pour garder le moral. "Ta femme a des orgasmes avec tes messages", s'amuse Alejandro dans une lettre à son frère, qui répond du tac au tac : "Prépare les saucisses sur le barbecue, c'est ma femme qui paie !" La fin du percement du puits d'évacuation par la Schramm T-130, dans la nuit de vendredi à samedi dernier, a précipité le sauvetage des 33 mineurs, initialement prévu "d'ici à décembre". Il ne reste désormais qu'à espérer la sortie des autres mineurs et des secouristes descendus les aider. Luis Alberto Urzua, alias "Don Lucho", sera, en bon capitaine, le dernier mineur à quitter le fond.
http://www.lepoint.fr/monde/chili-florencio-avalos-premier-mineur-libere-13-10-2010-1248489_24.ph

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