samedi 14 janvier 2012

Mort de Gilles Jacquier : Paris soupçonne "une manipulation"

Alors que le corps de Gilles Jacquier vient d'être rapatrié en France (son cercueil est arrivé tôt vendredi à l'aéroport du Bourget, avant des obsèques prévues dans quelques jours à Bernex, village de Haute-Savoie d'où il est originaire) et doit être autopsié dans la journée, les circonstances de l'attaque dans laquelle le grand reporter de France Télévisions a trouvé la mort en Syrie restent floues. Damas a annoncé jeudi la création d'une commission d'enquête. Puis le parquet de Paris a ouvert vendredi une enquête préliminaire pour homicide volontaire.
La communauté internationale, en premier lieu Nicolas Sarkozy, avait réclamé des éclaircissements sur ce drame, et appelé le régime à assurer la protection des journalistes sur son territoire. Selon Le Figaro, qui cite "une source proche" de Nicolas Sarkozy, Paris soupçonne "une manipulation" des autorités syriennes, même s'il n'existe pas pour l'heure de preuve. "Les responsables syriens étaient seuls à savoir qu'un groupe de journalistes occidentaux visitait Homs ce jour-là, et dans quel quartier il se trouvait", explique cette source dans Le Figaro, ajoutant : "On peut croire à un malheureux accident. Mais il tombe plutôt bien pour un régime qui cherche à décourager les journalistes étrangers et à diaboliser la rébellion". Après être resté prudent la veille, le directeur de l'information de France Télévisions, Thierry Thuillier, a d'ailleurs estimé vendredi qu'il y avait des éléments "troublants" entourant les circonstances de la mort du grand reporter. Rémy Pflimlin, PDG du groupe, a saisi le procureur de la République de Paris pour demander une enquête.
"Un piège"
La version officielle de Damas, annoncée dès mercredi par la télévision syrienne, est celle d'un "groupe terroriste" qui aurait "tiré des obus sur des journalistes étrangers". Un groupe loin d'être identifié. Pour sa part, l'opposition a d'emblée accusé le régime de Bachar al-Assad, confronté depuis le 15 mars à une contestation populaire qu'il réprime dans le sang. Or justement, c'est à Homs, épicentre de la révolte dans le centre de la Syrie, que le journaliste français a été tué.
Elément encore plus troublant, un journaliste français, présent à Homs lors du drame, témoigne d'indices laissant supposer une mise en scène : "On nous a emmenés dans un quartier normalement sécurisé, c'était très, très encadré", a raconté sur Europe 1 Jacques Duplessy, journaliste indépendant qui collabore notamment à Ouest France, et qui se trouvait aux côtés de Gilles Jacquier au moment des tirs. "Je pense qu'on a été grandement manipulés", poursuit-il. "Ce n'est pas du tout le fait du hasard, parce qu'après ces quatre obus, il n'y a plus rien eu, c'était terminé. Pas d'attaque, pas de tir."
Le journaliste ajoute que les médias syriens ont été étrangement réactifs, sur place et en nombre, très vite après le drame, prêts à tout filmer, et tout aussi prompts à accuser sans preuve l'opposition. "On peut se demander si ce n'est pas vraiment un piège, si ce n'est pas délibéré d'avoir attaqué des journalistes" affirme Jacques Duplessy à Europe 1. Le directeur de l'Info de France Télévisions, Thierry Thuillier, reste plus sceptique pour l'instant: "Imaginer une manipulation me paraît, à ce stade-là, vraiment prématuré", a-t-il déclaré.

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