jeudi 1 juillet 2010

Un impôt caché sur les passeports ?

Le passeport biométrique sert-il à alimenter les caisses de l’Etat ? A l’heure où les Français font leurs valises, une enquête de la Cour des comptes dévoilée mercredi pose la question. Elle constate une marge importante entre le coût réel du document (55 €) et celui du timbre fiscal (89 €). Pas moins de 34 € ! C’est la sénatrice (PS) du Puy-de-Dôme Michèle André, membre de la commission des finances, qui a demandé à la Cour de se pencher sur la question. « Lorsque le prix du timbre fiscal est passé de 60 à 89 € en 2009, au Sénat on a trouvé que c’était cher. J’ai interrogé tous les acteurs, qui n’ont pas su me fournir le détail. Seule l’Imprimerie nationale m’a communiqué un coût de fabrication compris entre 11 et 15 €… J’ai voulu savoir ce que recoupaient tous les autres frais », explique-t-elle.

En 2008, la ministre de l’Economie, Christine Lagarde, justifiait le surcoût du passeport biométrique par la « hausse du coût de fabrication » de ces documents dotés de composants électroniques et « l’équipement des 2.000 mairies en stations d’enregistrement ». La Cour des comptes, qui en a épluché le détail, ne fait pas la même analyse. Pour elle, le renchérissement est certes dû pour 30 % au « saut technique qui a nécessité des investissements nouveaux et une maintenance considérablement accrue ». Mais surtout, pour 35 %, à « un accroissement du temps global consacré à chaque dossier par les agents publics » et, pour 35 %, à un « effet arithmétique dû à la diminution des demandes de passeport ».

Une baisse de prix envisagée
En 2009, le produit total des droits de timbre s’est élevé à 192 millions d’euros. Sur cette somme, détaille Michèle André, « 131 millions ont été attribués à l’Agence nationale des titres sécurisés » (ANTS), chargée des passeports, et à l’installation et la maintenance des stations biométriques. Soit un reliquat de 61 millions dans les caisses… Au ministère de l’Intérieur, on annonce une somme de 60 millions attribuée à l’ANTS et 17,5 millions d’euros d’indemnisation des 3.500 stations biométriques. « Le reste finance la mise en place et le développement du système de la future carte d’identité électronique, qui sera gratuite, ainsi que la nouvelle carte grise », précise le cabinet de Brice Hortefeux.

Alors, est-ce un impôt qui ne dit pas son nom ? Selon la loi, le droit de timbre est une imposition dite « de toute nature » et son montant n’est pas lié au service rendu. « L’Etat n’a pas à justifier juridiquement » celui-ci, précise la Cour des comptes. Entendue mercredi devant le Sénat, la Direction du budget a pris acte du constat de la Cour. Une éventuelle baisse de prix du passeport pourrait être discutée lors de l’examen de la prochaine loi de finances 2011. « Comme souvent, sans étude d’impact préalable, on a fixé un prix au doigt mouillé, bien trop cher. Soit le gouvernement affirme qu’il n’a pas pas d’obligation d’indexer le montant au service. Soit on revient à un prix juste », martèle Michèle André. Pour la Cour des comptes, le coût du passeport devrait « décroître rapidement autour de 47 € compte tenu d’économies d’échelle et d’un effet d’apprentissage des agents concernés ». Son prix pourrait chuter jusqu’à 40 € lorsque la carte d’identité sécurisée sera mise en place.
http://www.francesoir.fr/vie-quotidienne/un-impot-cache-sur-les-passeports

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