samedi 3 septembre 2011

Analyse / Vers une justice d'opinion ?

Après les « instructions à ciel ouvert » qui permettent d'étaler, sans le moindre respect pour les justiciables ou le secret des procédures, les témoignages et dépositions des protagonistes d'une affaire, à l'instar des dossiers Clearstream ou Bettencourt, voici venue l'ère des juges délateurs et de la justice d'opinion.
Grâce à la juge Isabelle Prévost-Desprez (photo), vice-présidente du tribunal de Nanterre, et aux auteurs du pamphlet « sarkophage » de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les témoins d'une enquête savent désormais qu'on peut les balancer sans autre forme de procès, quitte à leur faire tenir des propos qu'ils n'ont pas énoncés, tout simplement parce que c'est ainsi que doit être écrite l'histoire du moment.


Les « flingages » politiques ont toujours existé, surtout en période préélectorale, tout comme les « coups » d'édition dans le sillage d'une bonne affaire, mais il faut reconnaître que « Sarko m'a tuer » pose une nouvelle norme en matière de justice et d'investigation. Car enfin, lire que Mme Prévost-Desprez affirme que l'ancienne infirmière de Liliane Bettencourt a « confié à (sa) greffière, après son audition : '' J'ai vu des remises d'espèces à Sarkozy mais je ne pouvais le dire sur procès-verbal '' », puis apprendre de l'aveu même de l'un des auteurs, sur Europe 1, que ce témoignage extraordinaire n'a été ni recoupé, ni vérifié, est pour le moins surprenant ! Le moindre journaliste débutant sait que l'on doit vérifier et recouper ses informations, même quand la source première est de bonne foi, surtout lorsque l'on ne travaille pas sur pièces. Cette légèreté devient coupable quand, quelques heures après le lancement du coup journalistique, le principal témoin de cette pseudo « révélation » dément formellement, sur le site de Marianne, avoir jamais tenu de tels propos : « Lorsque j'ai été auditionnée par la juge Isabelle Prévost-Desprez […], je ne lui ai pas parlé de remise d'enveloppes à Nicolas Sarkozy ni à personne d'autre. Je n'en ai parlé ni à la juge, ni à sa greffière. »

Pour un journaliste d'investigation, ne pas aller au bout de la vérification d'une information prouve que l'on ne veut pas prendre le risque de voir l'hypothèse s'effondrer. On peut toujours jouer au poker menteur avec d'éventuelles parties à l'enquête en cours, mais il est impossible de se contenter d'une affirmation unilatérale que rien ne fonde. Et ce n'est pas Martine Aubry, qui s'est estimée harcelée quant à son alcoolisme supposé, qui dirait le contraire… Qu'importe, selon Fabrice Lhomme, qui fait la navette entre Le Monde et Mediapart - nous savons à l'union à quel point les rédacteurs travaillant avec M. Plénel peuvent réécrire les histoires pour les faire correspondre avec leurs préjugés -, les dénégations de l'infirmière, et de son mari, cité par un autre titre, seraient même la preuve de ce qu'avance le livre, « c'est-à-dire le climat de peur mis en place pour dissuader les gens de parler… »
Donc, une juge et des « journalistes » d'investigation, non seulement balancent un « témoin » supposé au mépris de sa volonté, mais encore instrumentalisent ses dénégations sous prétexte de démontrer par l'absurde le bien-fondé de leurs allégations. Quand on laisse à l'opinion, ou à la foule, le loisir de faire la justice, on se rapproche dangereusement du lynchage… Que des magistrats, tels Mme Prévost-Desprez, Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM), et Mathieu Bonduelle, du Syndicat de la magistrature, s'alignent sur de telles méthodes, sous prétexte de règlements de comptes partisans, ne laisse rien augurer de bon pour la démocratie. En dépit des robes fourrées d'hermine, la République des juges ne serait rien d'autre qu'une tyrannie… pas même éclairée. Tout le reste n'est que littérature.
http://www.lunion.presse.fr/article/autres-actus/analyse-vers-une-justice-dopinion

Aucun commentaire: