mardi 13 septembre 2011

De Pompidou à Chirac, Bourgi balance sur l'argent occulte

Face aux lourdes accusations portées contre eux, Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont décidé de contre-attaquer en portant plainte pour diffamation contre Robert Bourgi. Dans le JDD dimanche, cet avocat affirme avoir convoyé personnellement des millions de dollars à Dominique de Villepin pour financer la campagne présidentielle de 2002 de Jacques Chirac. Selon lui, cet argent provenait de chefs d'Etats africains. Il dit aussi avoir "participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris".Sur Europe 1, l'avocat a évalué lundi matin à "vingt millions de dollars" ces sommes remises à Jacques Chirac et à Dominique de Villepin.
Lundi dans Le Parisien, Robert Bourgi maintient ses accusations. "Je suis surpris que Jacques Chirac, frappé d'amnésie pour les affaires de la mairie de Paris, retrouve subitement la mémoire pour porter plainte contre moi. Ça ne me fait ni chaud ni froid pour une simple raison : c'est la stricte vérité". Il se dit prêt "répondre à n'importe quel magistrat qui voudra" l'entendre.
Pompidou, Giscard et Mitterrand aussi ?

L'avocat affirme par ailleurs que le système de financement politique occulte par des fonds africains a existé aussi sous les trois présidences précédant celles de Jacques Chirac. Le créateur de la Françafrique Jacques Foccart, son "maître", "m'a dit à moi que ces pratiques existaient même du temps de Pompidou, Giscard d'Estaing et Mitterrand. J'ai souvent croisé à Libreville François de Grossouvre, Roland Dumas", deux proches du président socialiste défunt. Mais il s'est dit "incapable" d'évaluer les sommes versées sous ces trois présidences.

Critiqué dimanche sur le timing de ces accusations, Robert Bourgi dit dans Le Parisien écouter "sa conscience", qui lui a dicté de "dénoncer ces pratiques", auxquelles il a participé "activement". Il dément participer à une manipulation destinée à discréditer la candidature de Villepin en 2012. "Personne n'était au courant de cette interview. Je n'en ai parlé à personne, pas même à mon épouse. J'ai envie d'une France propre pour mes enfants et mes petits-enfants et surtout de relations saines avec l'Afrique", assure-t-il dans Le Parisien. Sur Europe 1, l'avocat a cependant précisé ne pas pouvoir prouver ce qu'il avance. "Dans ce domaine-là, il n'y a aucune preuve, aucune trace".

Le "côté obscur de la Françafrique"

Dans une autre interview à la radio RFI, Robert Bourgi s'est qualifié lui-même de "repenti". "J'ai assisté M. Foccart dans cette partie que je qualifie de côté obscur de la Françafrique jusqu'à son départ en 1997. Et de 1997 à 2005, j'ai géré moi-même ce côté obscur de la Françafrique", a déclaré l'avocat franco-libanais. "Robert Bourgi sert sur un plateau à l'opinion publique française, à la classe politique française, ce que tous les journalistes cherchaient à savoir depuis 25 ans", s'est-il vanté, parlant de lui-même à la troisième personne. Que promettait la France à ces chefs d'Etats africains en échange de cet argent ? "Mensonges, mensonges, mensonges, promesses non tenues, c'est-à-dire que la France fermait les yeux sur certaines dérives du pouvoir en Afrique", a-t-il accusé.

Dans l'interview au Parisien, Robert Bourgi affirme que ces pratiques ont cessé en 2005 et qu'à partir de 2007, Nicolas Sarkozy, fraîchement élu président de la République, lui a dit : "Ces pratiques, je n'en veux pas". Quant à son rôle supposé auprès du chef de l'Etat sur les dossiers africains, Robert Bourgi assure voir "régulièrement" Nicolas Sarkozy. "Je lui écris des notes de temps à autre, mais dans un cadre strict d'expertise". Mais "je n'ai aucun rôle officiel ni officieux, que ce soit clair", affirme-t-il. Claude Guéant avait affirmé dimanche que l'avocat n'était pas "un conseiller" de l'Elysée.

Des propos démentis, lundi, par Jean-François Probst. Cet ancien collaborateur de Jacques Chirac a affimé au Parisien que "rien ne s'est arrêté avec Nicolas Sarkozy" concernant les financements occultes africains, malgré les envies de rupture du président français avec la politique chiraquienne. "Ce n'est pas crédible, c'est même le plus gros mensonge de sa vie", a-t-il déclaré. Selon lui, Bourgi "s'est dépensé sans compter pour Sarkozy auprès de nombreux chefs d'Etats africains lors de la présidentielle de 2007". Il aurait ainsi "filé à Libreville dès juillet 2007 et refait un deal avec Omar Bongo", le président gabonais. Montant de l'accord? "1 milliard de francs CFA".

L'avocat de Chirac minimise ses problèmes de mémoire

"Si mon client a effectivement des difficultés de mémoire, M. Bourgi en a de plus grandes que lui", a déclaré Me Kiejman, l'avocat de Jacques Chirac, interrogé par la presse à son arrivée au procès des emplois présumés fictifs de la ville de Paris lundi. "Jacques Chirac n'en est pas au point de ne pas se souvenir de ce qu'il n'a pas fait", a-t-il ajouté. Me Kiejman a précisé que la plainte de son client, "indigné", interviendrait dans les jours qui viennent. "A ce moment-là, on verra s'il y a le moindre élément de preuve à l'appui de ses diffamations", a poursuivi M. Kiejman. Il a estimé qu'on pouvait "s'interroger sur le moment" où ces accusations interviennent.

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