dimanche 12 septembre 2010

Woerth, la taupe et la cour de justice

Le dossier est cette semaine entre les mains de la cour d’appel. En parallèle, un magistrat de la chancellerie a été mis sur la touche à cause de "fuites"...
Le cas Woerth est sur le bureau du procureur général de Versailles. Trois magistrats du parquet de la cour d’appel, sous l’autorité du procureur Philippe Ingall- Montagnier, épluchent depuis mardi la synthèse de quelques pages, accompagnée d’une liasse de plusieurs procès-verbaux, envoyée par le procureur de Nanterre. Selon nos sources, dans sa synthèse, Philippe Courroye n’a pas encore tranché sur un éventuel renvoi d’Eric Woerth devant la cour de justice, et préconise d’attendre "la fin des enquêtes en cours".

Une nouvelle audition d’Eric Woerth est "indispensable", estime-t-on de source judiciaire, et a été programmée "après le débat sur les retraites". C’est vraisemblablement au cours de cette audition que l’ancien ministre du Budget jouera son avenir judiciaire. "Nous allons nous faire un avis sur la base des documents déjà reçus, puis nous transmettrons d’ici au 20 septembre le dossier au procureur général près la Cour de cassation, Jean- Louis Nadal, qui appréciera des suites à donner", précise-t-on au parquet général.

Outre ce dossier Woerth, la Cour de cassation, la plus haute juridiction de France, risque aussi d’avoir à trancher… le volet Bettencourt. L’avocat de la milliardaire, Me Georges Kiejman, s’il n’est pas suivi mardi par la cour d’appel, à qui il a demandé de stopper l’enquête de la juge Isabelle Prévost-Desprez, menace de "saisir la chambre criminelle de la Cour de cassation d’une demande de dépaysement".

La cour déciderait d’"encadrer le supplément d’information"
En clair, l’avocat de Liliane Bettencourt s’apprête à demander à la Cour de cassation de sortir l’affaire de la juridiction des Hauts-de- Seine! "Nous avons une série d’arguments au cas où…", estime-t-on dans l’entourage de l’avocat. Le débat occupe les juristes depuis quelques semaines. En juillet, Me Kiejman a demandé à la cour d’appel de Versailles, présidée par Jean-Pierre Getti, d’annuler le supplément d’information pour "abus de faiblesse" ordonné par la présidente de la 15e chambre correctionnelle, Isabelle Prévost-Desprez. Celle-ci, sur la base des écoutes clandestines fournies par la défense de Françoise Meyers, la fille Bettencourt, estime qu’elle doit poursuivre l’enquête afin de juger le dossier d’"abus de faiblesse" présumée opérée par le photographe François-Marie Banier.

La question est simple: en touchant trois assurances-vie, d’un montant estimé aujourd’hui à 760 millions d’euros (pour des dons effectués en 1993 et 1997 de 260 millions), plus 50 millions d’euros de liquidités, et 38 millions d’euros de tableaux et d’oeuvres d’art, Banier a-t-il abusé de la milliardaire, comme l’estime sa fille? Durant l’été, la juge Prévost-Desprez a entendu plusieurs anciens employés de Liliane Bettencourt, qui assurent que oui. Elle a également ordonné une perquisition au domicile de la milliardaire, perçant trois coffres-forts, à la recherche de papiers compromettant Banier. "La cour d’appel va trancher mardi et a deux solutions. Soit elle envoie Kiejman sur les roses, comme elle l’a déjà fait avec le parquet de Nanterre, soit au contraire elle lui donne raison et s’empare du dossier, dessaisissant au passage Prévost- Desprez", résume un juriste.

Certains pronostiquent un autre scénario, selon lequel la cour déciderait d’"encadrer le supplément d’information" de la juge de Nanterre, en lui fixant des objectifs et des délais. "On verra", résume- t-on dans chaque camp… bien décidé, en fonction de la décision de mardi, à jouer de nouveaux coups judiciaires. Chasse aux sorcières à la chancellerie En parallèle à ces guerres de procédure, l’affaire Woerth-Bettencourt a provoqué une discrète chasse aux sorcières à la chancellerie, comme l’ont indiqué samedi le nouvel-obs.com et Marianne. "Il y avait des fuites bizarres, résume une source judiciaire. Un des premiers rapports du juge Courroye, envoyé sous pli fermé par le procureur général de Versailles Place Vendôme, s’est retrouvé dans les journaux."

Sur la base d’une plainte pour violation du secret de l’instruction, déposée à Paris par Me Fabrice Goguel, un des avocats fiscalistes de Liliane Bettencourt, l’Inspection générale des services a été saisie. Une enquête discrète des services de renseignement a également été opérée. Selon nos sources, sur la base de témoignages, puis de "vérifications téléphoniques", les enquêteurs ont eu la conviction qu’un des magistrats de la Place Vendôme était "une taupe"… Discrètement, ce magistrat a été mis sur la touche. "Il n’y a aucun lien entre ce départ et l’enquête sur les fuites", jure-t-on à la chancellerie. Un démenti poli.
http://www.lejdd.fr/Societe/Justice/Actualite/Woerth-la-taupe-et-la-cour-de-justice-219810

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