mercredi 29 septembre 2010

Jean-Louis Courjault, ses mots pour le dire

Un matin de novembre 2006, une jolie métisse sonne à la porte des Courjault, en Indre-et-Loire. Elle est représentante d'une marque de surgelés. Une mauvaise blague ? Même pas. Après avoir réalisé que la jeune femme ignore chez qui elle se trouve, Jean-Louis Courjault, le père des "bébés congelés", signe un contrat avec l'entreprise qui livre à domicile. Cette anecdote est racontée dans le livre qu'il publie jeudi : Je ne pouvais pas l'abandonner.
Car cette histoire aux relents d'humour noir va faire office de déclic sur le mari de Véronique Courjault, condamnée en 2009 à 8 ans de prison pour trois infanticides. Ce matin de novembre 2006, il comprend qu'il doit "continuer à vivre malgré les circonstances". Pour sa famille, et notamment les deux garçons du couple, jeunes ados. Les circonstances, tout le monde, les connaît. De la découverte, à l'été 2006, de deux cadavres de nouveau-nés dans le congélateur de l'appartement familial à Séoul, à la libération anticipée de sa femme en mai dernier, l'"histoire des bébés congelés" défraye la chronique. Et de mettre en lumière un phénomène jusqu'alors peu connu du grand public : le déni de grossesse.


"Véro me rend heureux malgré ce tsunami de malheur"


Mis hors de cause après avoir été mis en examen pour "complicité d'assassinat", Jean-Louis Courjault s'interroge longuement sur sa propre responsabilité. Et pendant longtemps. Il le fait de nouveau à travers ses pages, plongée dans le cauchemar que sa famille a subi. Dans ce livre-confession, cet ingénieur de 43 ans raconte sa version de l'affaire ; le lecteur, lui, pénètre dans les coulisses d'un fait-divers. Ce livre, il l'a écrit pour "éclairer" le public, "dépeindre la détresse" d'un mari désemparé, apporter du réconfort aux victimes du déni de grossesse, "dire comment j'ai fait, plutôt que m'écrouler".


Deux choses frappent. Il y a d'abord cet amour déclaré et répété maintes fois à celle qu'il appelle "Véro". Cette femme présentée dans la presse comme un monstre, une infanticide en série et dont il partage la vie depuis près de 20 ans ; "Véro" cette "jolie brune aux yeux clairs", "généreuse, accueillante, toujours partante", "Véro" qui rit de blagues idiotes mais qui regarde pour la vingtième fois Autant en emporte le vent en pleurant comme une Madeleine ; "Véro" qui le "rend heureux malgré ce tsunami de malheur" ; "Véro" qu'il a choisi de soutenir sans jamais ni la condamner, ni envisager de la quitter, malgré le mensonge.


Quel est donc ce benêt ahuri ?


Je ne pouvais pas l'abandonner sonne aussi comme la quête de rédemption d'un homme au mauvais rôle. Père des bébés congelés, mari de la mère infanticide, l'image est lourde à porter. "Quel est donc ce benêt qui n'a même pas été fichu de deviner quoi que ce soit ?", se demande le citoyen lors de la découverte du drame. Jean-Louis Courjault le reconnaît, il aurait sans doute pensé la même chose. Il a fait ce choix de comprendre. Comprendre plutôt que condamner. Reconstruire plutôt que détruire. A tout prix. Véronique Courjault tenue au silence par la justice, était réticente à l'idée d'un livre.


Dans ses pages Jean-Louis Courjault dit être agacé d'être dévisagé dans la rue tandis que son épouse aux cheveux coupés courts, passe neuf fois sur dix, inaperçue. Paradoxalement, il est cette semaine dans toute la presse, posant en couverture de son livre. Certains experts parlent d'un "besoin narcissique" de reconnaissance. C'est le cas de Sophie Marinopoulos, spécialiste du déni de grossesse interviewée dans le Journal du Dimanche. "Je m'interroge sur ce besoin narcissique de reconnaissance au détriment de Madame (...). Il se montre beaucoup, parle beaucoup ; elle reste dans l'ombre et le silence". A cette psychanalyste perplexe, Jean-Louis Courjault répond dans Libération un "Après ce livre, je trace la route, on tourne la page".
http://lci.tf1.fr/france/societe/2010-09/jean-louis-courjault-ses-mots-pour-le-dire-6081419.html

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