dimanche 26 juin 2011

Dix mille femmes de chambre la soutiennent

Pourquoi avoir pris la défense de l’accusatrice de Dominique Strauss-Kahn?
La jeune femme agressée est membre de notre syndicat depuis trois ans. Le syndicat l’a aidée à négocier son contrat. Elle paye 11 dollars par semaine qui lui donnent droit à un certain nombre de services comme l’assurance médicale gratuite pour elle et sa fille. Il est tout à fait naturel que je la représente.

Lui avez-vous parlé récemment?
Au téléphone.
Mais si elle a menti, vous ruinez la crédibilité de votre organisation…
Je n’ai pas de preuve, j’ai choisi de la croire, et je crois que tout ce qu’elle dit est vrai. C’est une femme anonyme qui travaille durement. Au syndicat, nous savons qu’elle n’a jamais eu de problème avec ses collègues, les clients ou les managers de l’hôtel. Elle n’est jamais arrivée en retard, n’a jamais été absente. Son dossier est exemplaire. On ne peut pas dire la même chose de Dominique Strauss-Kahn. Au cours de son dernier séjour au Sofitel, il a également fait une proposition totalement inappropriée à une réceptionniste.
Quel est le niveau de votre représentation au Sofitel?
Nous sommes présents à plus de 80 % dans les hôtels de New York et des environs.
Qui vous représente dans l’hôtel?
Notre délégué, agent de sécurité.
Quels sont vos rapports avec le groupe Sofitel?
Je trouve que le Sofitel ne l’a pas soutenue comme il aurait dû. La direction s’est contentée de dire que c’était une "satisfactory employee". En anglais, cette expression traduit un soutien timide. Certes, la direction a immédiatement appelé la police. Que pouvait-elle faire d’autre? Si une jeune femme m’aborde dans la rue en me disant qu’elle vient d’être violée, j’appelle la police…
Que fallait-il faire d’autre?
L’établissement n’a pas été capable d’assurer la sécurité de Nafissatou Diallo pendant son travail, le moins qu’il puisse faire, c’est de la soutenir aujourd’hui… Lorsque nous avons demandé à nos membres de manifester devant la cour suprême, c’est le seul hôtel de New York qui a d’abord interdit à ses salariés de s’y rendre. Ensuite, la direction a refusé que les employées portent l’uniforme de l’hôtel. Je ne sais pas si cela aurait été différent au Hilton ou dans n’importe quel autre hôtel américain, je constate que DSK, comme vous l’appelez, bénéficiait d’un traitement de faveur. Il a payé moins de 600 dollars la suite présidentielle au lieu de 2.500… Je suis persuadé que l’attitude de la direction aurait été différente s’il s’était agi d’un touriste du Kansas.
Cette affaire n’est-elle pas une "aubaine" dans votre bras de fer avec l’industrie hôtelière?
Ce qui est arrivé à cette jeune femme est d’abord un drame. Toute cette histoire est tragique. Si une bonne chose sort de tout cela, c’est une prise de conscience de la condition de ces employées. Elles sont fréquemment agressées par des hommes qui ne les considèrent pas comme des êtres humains mais des objets parce qu’ils ont payé une chambre quelques dizaines ou centaines de dollars. Première conséquence, cette semaine se discute à l’assemblée de New York un projet sur le harcèlement. Les femmes de chambre racontent rarement ce qu’elles subissent. Elles ont peur de donner une image dégradée de leur métier, auprès de leur famille notamment. Le type d’agression décrite pas Nafissatou Diallo est rare. Mais il y en a beaucoup d’autres : ce sont des propositions financières pour des relations sexuelles, des clients qui se promènent volontairement nus…
Qu’attendez-vous de l’industrie hôtelière new-yorkaise?
Nous voulons que des procédures précises soient établies dans les hôtels en cas d’agression. Le syndicat demande également que toutes les femmes de chambre soient équipées d’une panic box, un bip permettant de donner l’alarme en cas d’incident. Nous voulons que chaque client, riche, célèbre, ou anonyme sache qu’il sera foutu dehors s’il adopte un comportement inapproprié.

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