dimanche 19 juin 2011

Giuliani : "DSK risque plusieurs années de prison"

Drapeau américain à la boutonnière, le républicain Rudolph Giuliani, maire de New York de 1994 à 2001 et ancien procureur, a reçu le JDD samedi matin dans les salons de l’hôtel George V, à deux pas des Champs-Élysées. Il est à Paris pour soutenir les opposants au régime iranien.
Les Américains se passionnent-ils autant que les Français pour l’affaire Strauss-Kahn?
C’est vrai, c’est une très grosse affaire. Certes, les déboires du congressman
Anthony Weiner - qui a démissionné après avoir montré des photos osées de lui sur Internet - ont détourné quelque peu leur attention ces derniers jours. Mais pendant près de trois semaines, l’affaire Strauss-Kahn a ouvert presque tous les journaux à la télévision et à la radio. Cette histoire réunit tous les ingrédients du théâtre hollywoodien. Un homme puissant, de dimension internationale, soupçonné d’avoir violé une jeune femme. Chaque rebondissement de ce dossier va continuer de passionner les Américains…
Comprenez-vous que les Français aient pu être choqués par cette théâtralisation?
Il a été traité comme n’importe quel justiciable américain. La médiatisation des audiences, les menottes,
l’arrestation filmée, la présentation de l’inculpé à la presse sont des pratiques courantes aux États-Unis.
Certains y voient une leçon donnée à l’arrogance française…
Absolument pas. Un prétendant à la présidence italienne, un futur Premier ministre britannique ou un chancelier allemand auraient subi le même sort.


"Si DSK est innocent, il sera acquitté"

Ne trouvez-vous pas dérangeant qu’avant même son procès, il soit déjà présenté comme un coupable?
J’ai été procureur pendant plus de seize ans. C’est la fonction que j’ai exercée le plus longtemps dans ma vie. Je connais le système judiciaire américain de l’intérieur et je peux vous assurer que si
Dominique Strauss-Kahn est innocent, il sera acquitté. Nos deux systèmes judiciaires sont très différents. En France, il est très compliqué d’accuser et d’arrêter quelqu’un. Il faut des preuves, la consultation de plusieurs magistrats, une enquête minutieuse. Comme vous avez pu le constater, aux États-Unis, la mise en accusation est beaucoup plus rapide. En revanche, je peux vous assurer qu’il est très difficile de faire reconnaître la culpabilité de quelqu’un. Les droits de la défense sont nombreux et respectés. Depuis que je suis arrivé à Paris, on me parle de la réputation sulfureuse de Dominique Strauss-Kahn… Aux États-Unis, ce type d’éléments de contexte ne sera pas communiqué aux jurés et ne pourra être utilisé contre DSK.
Pourquoi Kenneth Thompson, l’avocat de la victime, a-t-il lancé un appel à toutes les femmes qui auraient été agressées par DSK dans le monde?
C’est de
la stratégie. Thompson, qui a un passé de procureur, veut établir un rapport de force avec les avocats de la défense. La personnalité de Dominique Strauss-Kahn comptera peu au procès. En revanche, celle de la victime sera passée au crible. Les avocats de la défense vont chercher à l’attaquer, à la discréditer… Mais elle semble être quelqu’un de bien, une réfugiée politique sans histoire. Chaque camp va tenter de pousser l’autre à la faute. Nous sommes entrés dans un jeu de provocations.
DSK a payé très cher sa liberté sous caution. Avec de l’argent, tout est possible aux États-Unis…
Il est certain que, sans argent, Strauss-Kahn n’aurait pu s’offrir une maison de ville dans
l’un des quartiers les plus chics de New York. Il attendrait son procès en prison et non dans un luxueux fauteuil. Mais j’ai la conviction qu’il sera jugé de la même façon.

"Cyrus Vance a des 'clients célèbres' tous les mois"

Un des commissionnaires de la ville veut qu’il paie pour les dépenses publiques engagées pour le surveiller. Êtes-vous favorable à une telle mesure?
Non. Ce n’est pas une pratique habituelle. S’il est condamné, il risque de longues années de prison et paiera de très lourdes amendes.

Le procureur Cyrus Vance est candidat à sa réélection. Va-t-il tenter d’exploiter cette affaire pour sa publicité?
En tant que procureur de New York, il a des "clients" célèbres tous les mois. Il ne sera pas jugé sur l’affaire DSK mais sur le pourcentage d’affaires qu’il a menées à son terme. Ce qui est remarquable dans ce dossier, c’est la grande qualité de tous les protagonistes, défense et accusation. Ce procès va être de très bon niveau.

Vous êtes venu à Paris soutenir l’opposition iranienne. Pourquoi cet engagement?
Je suis engagé depuis trois ans à ses côtés. Il s’agit d’un groupe extérieur à l’Iran puisqu’il n’est pas possible d’avoir de contacts avec ceux qui se battent à l’intérieur du pays pour changer de régime. Je me bats car il s’agit sans doute de l’un des pires systèmes au monde, pis que celui de Moubarak en Égypte, de Kadhafi en Libye et même d’Assad en Syrie… Ahmadinejad, digne héritier de Khomeyni, asservit les femmes, opprime les minorités, et constitue une réelle menace pour le reste du monde.

Vous êtes invité par un mouvement inscrit sur la liste des organisations terroristes aux États-Unis…
Non, je viens participer à un colloque organisé par le Conseil national de la révolution iranienne. Quant au mouvement des Moudjahidin qui participe au colloque de Villepinte, il n’est pas classé comme tel en Europe et il devrait être déclassifié aux États-Unis.

http://www.lejdd.fr/International/USA/Actualite/Rudolph-Giuliani-ex-procureur-et-ancien-maire-de-New-York-revient-sur-l-affaire-DSK-et-analyse-le-futur-proces-332393?from=cover

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