jeudi 2 juin 2011

DSK : la course au scoop des tabloïds new-yorkais

Le New York Post et le Daily News multiplient les unes tapageuses sur l'affaire Strauss-Kahn.
À New York
Mardi, 18 heures au 153 Franklin Street, Whitney Evans, reporter junior au tabloïd new-yorkais Daily News, s'empresse d'appeler son rédacteur en chef. Elle vient de parler au représentant d'une secte japonaise qui a glissé deux ouvrages dans la boîte aux lettres de Dominique Strauss-Kahn. Voila un petit «scoop» que le rival, le New York Post, n'aura pas. Son reporter a quitté son poste il y a une demi-heure après avoir fait le pied de grue pendant huit heures devant la «prison dorée» de DSK. L'information en question peut paraître sans aucun intérêt. Pas pour un rédacteur en chef de presse à scandale. Toute info est bonne à prendre, monter en épingle et transformer en un formidable article à sensation.
«Je fais le guet, je récolte tout ce que je peux et dès que j'ai quelque chose, j'appelle le journal qui rédige à sa guise», confie la journaliste. Cette fois-ci, la piste sera finalement abandonnée, le Daily News et le New York Post consacrent leurs articles «DSK» de ce mercredi au harcèlement sexuel dans les hôtels.

Photographe sur les toits

Depuis le début de l'affaire, c'est le New York Post qui tient le haut du pavé dans l'art du matraquage contre celui qu'il appelle désormais le «perv» (le pervers), surnom qu'il a «emprunté» à son rival. Ce week-end, il a par exemple titré «C'est la fête chez DSK!» après avoir observé des livreurs apporter des parasols (très utiles sur la terrasse pour se protéger des paparazzis). Un photographe du Post a d'ailleurs été chassé d'un toit voisin par la police. Mardi encore, le Post a fait sa une sur les «hommes de ménage» de DSK. Le tabloïd était arrivé à la conclusion fracassante qu'on avait sagement imposé des hommes au lieu de femmes de ménage à DSK après avoir vu deux représentants de la gent masculine faire le ménage lundi. Les hommes en question étaient devenus deux «machos», gonflés à la «testostérone» remplaçant des «femmes de chambre sexy».
Plus sensationnel encore, le Post a consacré sa une le 24 mai à la tentative supposée des avocats de Dominique Strauss-Kahn d'acheter le silence de la victime présumée, et celle du 18 mai à la séropositivité présumée de la jeune femme (et par conséquent celle de DSK). Deux informations démenties par les avocats des intéressés. Dans le premier cas, les allégations du Post étaient basées sur les propos d'une «femme d'affaires française» non citée, dans le deuxième sur le recoupement d'informations obtenues sur l'immeuble de résidence de la jeune Guinéenne. «Le journal n'a pas besoin d'inventer, il suffit d'exagérer des faits négligeables, des propos, des opinions exprimées», souligne Richard Hanley, professeur de journalisme à l'Université de Quinnipiac.
Le quotidien a de toute façon suffisamment de sources dans la police, au parquet et ailleurs pour avoir d'excellents scoops. Il était le premier à avoir révélé l'arrestation de Dominique Strauss-Kahn le 14 (le Daily News est celui qui a obtenu le seul cliché de DSK à la prison de Rikers Island). «On a cinq personnes au quartier général de la police et autant dans les tribunaux», confie un journaliste qui n'a pas le droit de donner son nom. «À la police, les gars du Post connaissent tout le monde et ont la confiance des policiers dans tous les départements. Cela en fait mousser certains de leur parler tant qu'on ne les cite pas», renchérit John Cutter, ancien responsable de l'unité antiterroriste de la police new-yorkaise.

«Pépé le putois»

«Contrairement à ce que l'on croit, le New York Post, journal perdant de l'argent et largement méprisé par la presse américaine “respectable”, n'a pas mis des moyens exceptionnels pour couvrir cette affaire et n'a envoyé personne en Guinée, affirme Jim Naureckas de l'organisation FAIR (Fairness and Accuracy in Reporting). Ils reprennent souvent l'info des autres sans les citer», explique-t-il.
Si le Post en particulier s'acharne autant sur l'ancien patron du FMI, c'est d'abord parce que le sujet est extrêmement juteux pour un tabloïd que les New-Yorkais lisent dans le métro pour le côté divertissant de l'info, les potins mondains de la page 6 et le sport. Ensuite, parce que son patron australien milliardaire conservateur, Rupert Murdoch, aime bien s'en prendre à tout ce qui est français. Depuis deux semaines, DSK est devenu «Pépé le putois», le «cochon» du FMI et la France, la patrie de la «lâcheté» et de la «décadence». «Par idéologie et aussi parce que les Français sont une cible facile en raison des stéréotypes», précise Mark Miller, professeur de journalisme à la NYU.
Le lynchage médiatique de DSK n'influence pas forcément les jurés, assurent plusieurs avocats new-yorkais, et ne pose aucun risque légal à Murdoch. Aux États-Unis, on peut dire qu'Obama est «musulman» et DSK un «crapaud en rut», on reste protégé par le Premier Amendement de la Constitution sur la liberté d'expression.
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