samedi 11 juin 2011

«Il va falloir s’intéresser au passé de DSK»

L’heure est à l’offensive pour le duo d’avocats de Nafissatou Diallo, la plaignante dans l’affaire DSK. Kenneth Thompson et son associé, Douglas Wigdor, n’ont pas l’intention de se laisser impressionner par « l’argent, le pouvoir et l’influence » de Dominique Strauss-Kahn, le violeur présumé de la femme de chambre. L’ancien ministre, ex-directeur général du FMI et ex-maire de Sarcelles (Val-d’Oise), doit faire face à sept chefs d’inculpation et risque jusqu’à 74 ans de détention devant la justice américaine. Quelques jours après que Kenneth Thompson – l’une des figures emblématiques de la lutte contre les discriminations à New York – eut pris la parole lundi dernier, à la suite de l’audience au cours de laquelle DSK a plaidé non coupable, c’est au tour de Douglas Wigdor, 42 ans, ancien procureur à Long Island, de poursuivre l’attaque.

Ce tandem d’avocats a été choisi par le procureur général de New York, Cyrus Vance Jr., pour défendre la femme de chambre, témoin protégé, afin de la soustraire à un éventuel arrangement avec la défense. C’est dans son cabinet, sur 5e Avenue, que Douglas Wigdor, yeux bleu acier perçants, calme olympien, nous reçoit au 5e étage d’un immeuble victorien à l’intérieur moderne. Seul signe personnel : les photos en noir et blanc de ses enfants derrière son bureau. Un avocat formé dans les meilleures universités catholiques à Washington, « déterminé » à répondre coup pour coup aux allusions de la défense de DSK. Douglas Wigdor, fin tacticien du droit comme du base-ball – qu’il pratique comme coach d’une équipe –, a déjà fait condamner la Bank of America pour discrimination et est réputé pour être un spécialiste de la défense des victimes de harcèlement sexuel. Thompson et Wigdor, c’est le tandem des jeunes loups face aux barons du barreau que sont Brafman et Taylor, choisi par DSK. Le combat ne fait que commencer.

Comment se porte votre cliente aujourd’hui ?
Douglas Wigdor. Il est effectivement temps que l’on se préoccupe de son sort au lieu de parler de son agresseur. Cette mère est évidemment terrifiée, bouleversée. Elle est entrée en dépression après ce qui s’est passé dans cette suite au Sofitel. J’ai rencontré une femme traumatisée qui traverse une période très difficile. Elle est aujourd’hui incapable de reprendre son travail et surtout d’exercer à nouveau son métier de femme de chambre. Elle vit avec l’angoisse de se retrouver face à un agresseur. Nous ferons tout pour protéger l’ensemble de ses droits de victime.

Connaissait-elle Dominique Strauss-Kahn ?
Absolument pas. Elle ignorait tout de lui. Qui il était, ses fonctions, ses ambitions. C’est un inconnu total pour elle.

En France, certains évoquent l’hypothèse d’un complot pour piéger cet homme…
C’est parfaitement risible. Cette femme est à mille lieux d’imaginer ou de pouvoir participer à ce type de projet. Cela ferait sans doute un bon film mais cette idée est totalement ridicule. Vous imaginez un service de renseignements recruter cette femme et la jeter dans les bras de cet homme ? Cela n’a aucun sens, aucun lien avec la réalité des faits.

Vous avez lancé un appel pour retrouver d’autres éventuelles victimes présumées de M. Strauss-Kahn, avez-vous eu des retours ?
Je peux déjà vous confirmer que nous avons reçu plusieurs coups de téléphone évoquant ces cas. Je ne peux vous dire combien car c’est confidentiel. Je regrette néanmoins vivement que l’avocat de Tristane Banon n’ait pas souhaité entrer en contact avec nous. J’avoue ne pas bien comprendre sa position. Nous aurions pu juste avoir une conversation informelle à propos de cette affaire. Cette attitude n’a pas de sens.

Vos adversaires ont lancé des détectives pour décrédibiliser votre cliente, que faites-vous de votre côté ?
Je ne souhaite pas évoquer cela non plus. Mais quand on parle d’agression sexuelle, de viol, si vous avez plus d’une femme qui vient témoigner de ce qu’elle a enduré, il sera bien difficile de mettre en cause la crédibilité de cette victime. Il est temps que l’on se pose la question du passé de cet homme. Il va falloir rechercher toutes les autres victimes partout dans le monde, et je suis certain qu’elles sont nombreuses. C’est un homme qui a passé sa vie à voyager., notamment en Afrique. Il a aujourd’hui 62 ans et ce n’est sans doute pas la première fois qu’il se livre à cela.

Avez-vous déposé plainte au civil ?
Ce n’est pas encore d’actualité. L’affaire criminelle doit d’abord suivre son cours.

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