vendredi 14 mars 2014

Taubira : Hollande est furieux, les socialistes montent au créneau

Christiane Taubira a déclenché le courroux de l’Elysée et Matignon en raison de sa gestion de l’affaire des écoutes de Sarkozy et Herzog. Mais les socialistes font bloc derrière elle.
La gauche fait bloc derrière Christiane Taubira, mais Hollande et Ayrault sont furieux. Ils considèrent que la ministre de la Justice a géré au plus mal cette affaire des écoutes téléphoniques de Sarkozy et Herzog. Selon des sources gouvernementales, Christiane Taubira, à qui le dossier est remonté le 26 février, aurait tardé à en prendre connaissance, après avoir demandé à son cabinet d’en faire une note. Puis, elle aurait attendu plusieurs jours avant d’informer le Président et le chef du gouvernement ! Lors de son intervention télévisée de lundi, contre toute évidence, elle a nié avoir eu connaissance de cette affaire avant qu’elle ne soit révélée par la presse. Pourtant, il n’y avait rien d’anormal à ce qu’elle dise la vérité (voir ci-dessous). Puis mercredi, elle a enfreint les consignes de François Hollande qui lui avait recommandé de ne pas brandir les dossiers de l’affaire lors de son point de presse, et de s’abstenir de se rendre le soir à un meeting à Montreuil dans le cadre des municipales. Enfin, hier, alors que toute cette affaire s’est retournée contre le gouvernement, la garde des Sceaux a aggravé son cas en déclarant que «nous n’en serions pas là si nous avions calé quelque chose» avec le Premier ministre. De quoi susciter la colère de Matignon alors que Jean-Marc Ayrault a soutenu mercredi sa ministre quand la droite demandait sa démission.
Hier soir, enfin, elle admettait s’être «trompée de dates», expliquant qu’il peut lui «arriver d’être imprécise».

«Incontrôlable»

Dans les allées du pouvoir, on loue le courage de la garde des Sceaux dans son combat pour le mariage pour tous, on lui a apporté son soutien face aux attaques racistes dont elle a été l’objet. Mais on estime que dans cette affaire des écoutes, elle s’est montrée «incontrôlable». Cela tombe mal à quelques semaines du remaniement. Son «indiscipline» pourrait coûter à Taubira son poste. Hier le sénateur socialiste André Vallini, qui brigue le ministère de la Justice depuis l’élection de Hollande, a été reçu à l’Élysée. Quant à Christiane Taubira, elle s’est expliquée un peu plus tard avec le chef de l’État durant cinquante minutes - un tête-à-tête prévu de longue date - avant de sortir tout sourire de l’entretien.
Toute cette agitation en coulisse n’a pas empêché les socialistes de faire bloc hier derrière la garde des Sceaux. Certes, ils ont reconnu qu’elle avait été maladroite, mais ils n’ont cessé de proclamer que la véritable affaire, c’est bien du côté de l’UMP qu’il faut la chercher ! à l’image de la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu : «Je refuse de tomber dans un piège qui consisterait à dire tout d’un coup l’affaire est une affaire Taubira. Non, c’est une affaire Sarkozy, c’est une affaire Copé, c’est une affaire Takkiedine, Buisson, etc.»

Jean-Michel Ducomte, avocat, politologue : «La droite, c'est l'arroseur arrosé»

Est-il normal qu’un juge puisse ainsi mettre un ancien président de la République sous écoute ? Ces écoutes sont-elles légales ?
Elles le sont parfaitement, depuis la loi Perben ! Je constate que c’est l’arroseur arrosé pour une droite qui perd pied en se retrouvant confrontée à une procédure pénale qu’elle a elle-même créée ! Les écoutes ne sont pas une procédure habituelle : elles peuvent être décidées soit par le juge d’instruction, soit par le parquet. Il est précisé dans la loi que tout ne peut pas être enregistré : tout ce qui est «hors affaire» doit être neutralisé. En tout cas, oui, ces écoutes sont totalement légales.
Qui en est informé ? Est-ce que les informations peuvent remonter au plus haut niveau de l’État ?
Cela dépend des affaires. Mais sur les affaires sensibles, nécessairement, le parquet général fait remonter l’information jusqu’au ministre de la Justice. Cela dit, le ministre n’est pas informé du contenu des écoutes, il n’a pas connaissance de ce qui est dit. Il sait simplement que ces écoutes ont lieu et auprès de qui.
Et les policiers ? Doivent-ils informer leur hiérarchie ?
En principe, ils n’ont pas cette obligation : leur interlocuteur, c’est l’autorité judiciaire. Peut-il y avoir des remontées malgré tout jusqu’au ministre de l‘Intérieur ? Personne ne peut affirmer qu’elles n’ont jamais eu lieu, mais c’est très différent pour le garde des Sceaux, qui est nécessairement au courant.
La justice est-elle aujourd’hui plus indépendante ?
On ne peut pas dire que sous le quinquennat précédent, elle a été rendue plus indépendante, car on avait affaire à un pouvoir qui considérait la magistrature avec distance, voire avec mépris. L’actuel président a tenté une réforme qui n’a pas abouti, car elle aurait dû passer par une réforme constitutionnelle qui aurait été très compliquée. Aussi, nous ne pouvons nous référer qu’aux protestations des différents protagonistes ! Le gouvernement dit qu’il ne veut pas instrumentaliser la justice. Rien ne permet de le démentir. Mais en tout cas, il vaut mieux aller vers plus de transparence : la garde des Sceaux n’a pas à rougir d’être au courant de ces procédures : c’est dans la loi ! Personne n’a rien à gagner dans le travestissement de la vérité. Il faut laisser travailler la justice en toute paix et en toute indépendance, et éviter que le battage médiatique ne produise un effet de loupe qui soit finalement contraire à la recherche de la vérité !

http://www.ladepeche.fr/article/2014/03/14/1839118-taubira-hollande-est-furieux-les-socialistes-montent-au-creneau.html

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