mardi 18 mars 2014

Taubira, la disgrâce

En déplacement lundi et mardi au Canada, Christiane Taubira a pris l'air, loin des affaires qui secouent depuis dix jours la classe politique française. Dix jours durant lesquels l'exécutif n'a cessé de se justifier et de se contredire sur son degré de connaissance des écoutes de Nicolas Sarkozy. Mais la question l'a rattrapée. Un étudiant de l'école HEC Montréal a demandé à la ministre de la Justice de revenir sur ses déclarations contradictoires. Une question à laquelle la garde des Sceaux n'avait plus envie de répondre. Mercredi dernier à Montreuil, elle esquivait les sollicitations des journalistes. Cette fois, elle n'a pas eu le choix : "Ce que je vais vous dire, à vous les jeunes, c'est de ne pas vous laisser enfumer par des choses secondaires et accessoires."
Secondaires ou pas, Christiane Taubira paie le prix fort de cette communication emmêlée. Selon le baromètre Ipsos pourLe Point publié lundi, la garde des Sceaux chute de huit points. Sa cote de popularité se situe désormais à 31% d'opinions favorables. Elle perd 15 points auprès des sympathisants de l'UMP (9% de bonnes opinions). Plus grave, Christiane Taubira perd six points auprès de sympathisants socialistes. Elle garde toutefois 63% de bonnes opinions. La popularité de la ministre n'est plus ce qu'elle était.

"Elle est noire et c'est une femme"

Il faut dire que Christiane Taubira a donné des armes à la droite, en donnant des versions contradictoires dans l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy. Lundi dernier, elle affirme n'avoir été au courant de rien avant que Le Monde ne révèle l'information le vendredi 7 mars. Le mardi, elle est contredite par le Premier ministre Jean-Marc-Ayrault, qui explique que l'exécutif était au courant depuis le 26 février. Et le mercredi, elle brandit des documents en conférence de presse attestant par écrit des informations contraires à ce qu'elle est en train d'assurer à l'oral. L'UMP dénonce un "scandale d'Etat", traite Christiane Taubira de "menteuse" et demande sa démission. "C'est quelqu'un de clivant et en plus, elle est noire et c'est une femme", soupire la présidente des Jeunes socialistes, Laura Slimani.
Sombre période pour la ministre, qui après avoir essuyé de sévères critiques de la droite à son arrivée place Vendôme en mai 2012, était pourtant parvenue à s'en affranchir. Terminée donc l'époque où sa cote de popularité frisait l'indécence, au point de devenir une icône de la gauche. Ses discours flamboyants en plein débat sur le mariage pour tous lui avaient permis d'enregistrer jusqu'à 78% de bonnes opinions auprès de l'électorat de gauche. En août dernier encore, avant que sa divergence de vue sur la réforme pénale avec Manuel Valls n'éclate au grand jour, la ministre flamboyait à 72% d'opinions favorables auprès des sympathisants de gauche, selon un sondage Ifop pour le JDD.
Après deux ans place Vendôme, Christiane Taubira quittera-t-elle le ministère de la Justice lors du prochain remaniement? "Vous le saurez en temps utile", a-t-elle répondu jeudi dernier sur le plateau du Grand Journal de Canal +, laissant la porte ouverte à toutes les options. Il paraît en tout cas délicat pour François Hollande d'évincer la ministre de son gouvernement. Et de lui redonner ainsi toute sa liberté de parole.  
 

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