mercredi 17 avril 2013

Gironde : elle a voulu éliminer un collègue avec du désherbant

L’affaire n’existe que parce qu’elle s’est dénoncée en écrivant au procureur de la République. Une quinquagénaire était jugée vendredi par le tribunal correctionnel de Bordeaux pour avoir… imbibé le casque de moto d’un collègue d’un puissant herbicide, du Roundup, entre septembre et décembre 2010. Des analyses toxicologiques sur l’équipement de protection avaient confirmé ses dires.
Initialement poursuivie pour empoisonnement avec préméditation, elle était finalement jugée pour administration de substance nuisible avec préméditation suivie d’une incapacité totale de travail de moins de huit jours. La victime est en effet encore en vie.

Cheveux longs et blancs retenus en une queue de cheval, élégamment vêtue à l’audience, la quinquagénaire entend prendre ses responsabilités. Le ton est froid, détaché, clinique. « À cette époque, ma raison s’est altérée, j’ai perdu pied, il me fallait des limites. »
À cette période, elle était auto-entrepreneur, appelée en renfort pour s’occuper des espaces verts du casino de Gujan-Mestras, par un salarié qui ne s’en sortait plus. « Mais il m’a tout de suite mis des bâtons dans les roues », se plaint la prévenue. Elle parle de sabotage, décrit des fils débranchés, des fusibles coupés, des tuyaux d’arrosage inversés… « Peu à peu, j’ai envisagé de le faire disparaître », avoue-t-elle. Elle a d’abord voulu mettre de l’herbicide dans les cendriers du casino, sachant pertinemment que son collègue venait y récupérer les mégots pour les fumer . « Mais cela pouvait avoir des conséquences sur des clients », explique-t-elle. Alors, elle a opté pour le casque. « La définition d’un herbicide, c’est détruire jusqu’à la racine », poursuit-elle. « Moi, je voulais que ce produit infiltre son système sanguin pour l’éliminer. » Silence dans la salle.
« Les cheveux qui tombent »
Le président Alain Reynal fait état de problèmes psychiatriques anciens chez la prévenue, boudée par ses deux filles et adepte de la résine de cannabis. « De manière thérapeutique », précise-t-elle. L’expert a conclu à une altération de discernement au moment des faits et la persistance chez cette personnalité paranoïaque de comportements visant à éliminer les personnes désignées comme ses persécuteurs… Moue dubitative dans le rang des juges.
« Pourquoi tant de haine ? », se demande la victime qui ne s’était rendu compte de rien avant de se dire « touché au niveau du moral » et de faire état de « cheveux qui tombent et de boutons sur la tête ». Son avocat, Me Ahmad Serhan, déplore que son client soit devenu « un point de fixation dans un délire paranoïaque ».
Mais pour le vice-procureur Jean-Louis Rey, c’est un peu « l’infraction impossible ». « On se doute bien que ce produit est une saleté avec des effets à plus ou moins long terme. Mais du point de vue du droit, il n’y a pour l’heure aucune matérialisation du résultat de cette administration. Il ne reste que la déclaration de la prévenue et l’angoisse de voir cette femme qui présente bien mais qui est déséquilibrée », s’inquiète le magistrat.
Avant de « s’en rapporter » à la décision des juges. « L’infraction n’est pas constituée, mais n’apporter aucune réponse judiciaire serait un non-sens ». Une condamnation d’opportunité, Me Frédéric Queyrol, qui défend la quinquagénaire, n’en veut pas.
« L’acte commis est peut-être socialement et moralement inacceptable, mais n’est pas nécessairement pénalement répréhensible. » La victime en effet, n’a rien ressenti, ou tardivement, sans qu’un lien de causalité soit vraiment établi. « En l’état du droit, vous ne pouvez la condamner », plaide l’avocat. Le tribunal s’est donné le temps de la réflexion et rendra sa décision dans les prochains jours.

http://www.sudouest.fr/2013/04/16/herbicide-dans-le-casque-1026439-2780.php

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