lundi 29 avril 2013

Capdevielle : l’ancien patron poursuivi

La justice n’a pas fini de s’intéresser à la déconfiture du défunt fleuron français de la chaise, l’usine Capdevielle d’Hagetmau, dans les Landes. En 2008, alors forte de 800 salariés, l’entreprise familiale touchée par la crise avait accumulé 2,5 millions d’euros de passif. C’est ce qui avait conduit son patron, le Landais Jean-Claude Capdevielle, à accepter de céder sa société pour l’euro symbolique à GMSI, un fonds d’investissement de droit luxembourgeois. À l’époque, les 9 millions que se proposait d’apporter cette entité constituaient le seul espoir de sauver l’entreprise et ses salariés.
Sans doute Jean-Claude Capdevielle n’avait-il pas prévu que certaines modalités de cette cession qui n’avaient pas vocation à être étalées sur la place publique lui vaudraient un renvoi devant le tribunal correctionnel de Mont-de-Marsan. Il est en effet poursuivi pour abus de bien sociaux en compagnie des deux cofondateurs du fonds d’investissement, Jean-Luc Gibier et Philippe de Saint-Rapt.
« Chasse aux sorcières »
Car, parallèlement à la cession de l’usine, l’ancien patron devait percevoir 400 000 euros d’honoraires pour une mission de conseil auprès des nouveaux dirigeants. Pour cela, il avait constitué une société, JCC Création. Ces honoraires, destinés à couvrir seulement six mois de travail, ont dans un premier temps été facturés à la société financière GMS, une émanation de GMSI.
Mais - et c’est ce qui a rapidement fait tiquer la justice - ces confortables honoraires ont été refacturés ensuite à la société Capdevielle, pourtant au bord de l’asphyxie.
Le cours de l’euro symbolique a-t-il subitement grimpé et pris la forme d’une mission de complaisance payée au prix fort ? « Il a plus de trente ans d’expérience, il connaît les clients. Les investisseurs, eux, ne connaissent rien à la chaise. Quoi de plus normal qu’il y ait un accompagnement ? Je suis indigné car tout cela ressemble furieusement à une chasse aux sorcières », tonne Me Jean Gonthier, l’avocat de Jean-Claude Capdevielle.
Reste que pour le parquet, la refacturation justifie bien des poursuites pour abus de biens sociaux. Joint par « Sud Ouest » il y a plusieurs mois, Jean-Claude Capdevielle avait assuré ignorer que ces fonds seraient ponctionnés sur son ancienne entreprise. Une affirmation qui fait aujourd’hui sourire ses coprévenus. L’examen du protocole de conciliation, un document censé rester confidentiel et scellant les modalités de la reprise de l’entreprise en 2008, sera vraisemblablement l’axe principal de la défense, qui promet déjà un grand déballage.
Signé par le comité
« Cette mission de consulting figure dans l’offre agréée par le tribunal de commerce ! » poursuit Me Gonthier. De fait, le protocole avait été signé tant par le tribunal de commerce de Mont-de-Marsan que par le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri).
Ces négociations entre le vendeur, l’acquéreur, mais aussi les autorités administratives prévoyaient-elles pour autant une refacturation des honoraires du vendeur à la société Capdevielle ? « Les conditions de la cession étaient connues de tous », continue Me Frédéric Dutin, l’avocat de Jean-Luc Gibier qui, sans affirmer que la refacturation figurait dans le protocole, assure qu’elle « avait été évoquée au cours des négociations ».
Le cauchemar des repreneurs
L’audience initialement prévue le 28 mai pourrait prendre un tour spectaculaire. Défenseur de près de 500 anciens salariés, Me Pierre Santi a annoncé son intention de se constituer partie civile, provoquant une audience géante, à l’instar de celle au cours de laquelle ces même 500 salariés avaient contesté leur licenciement. L’avocat palois n’a pour l’instant pas fait gagner (loin s’en faut) à ses clients les sommes qu’ils réclamaient. Mais cet infatigable procédurier s’est d’ores et déjà transformé en véritable cauchemar pour les repreneurs de l’usine.
Désormais visés par une procédure en comblement de passif initiée par le liquidateur, mais aussi par une information judiciaire pour organisation d’insolvabilité (la cour d’appel de Pau avait condamné deux sociétés issues de GMSI qui ont, depuis, été rapidement liquidées à verser 3 000 euros à chaque salarié), pour les deux financiers aux manettes de la reprise de 2008, la tragédie de Capdevielle pourrait représenter un lot d’ennuis inépuisable. Même si, selon nos informations, l’enquête de gendarmerie a surtout attribué la chute de l’entreprise, en 2010, malgré une gestion erratique, à la crise économique et au retrait de But et Conforama, clients historiques de l’usine, qui ont soudainement décidé se fournir ailleurs

http://www.sudouest.fr/2013/04/28/capdevielle-l-ancien-patron-poursuivi-1038314-7.php

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