dimanche 10 juillet 2011

L'avenir encore flou de DSK

Dans son large bureau, au cinquième étage d’un building de la 5th Avenue, dans le quartier de Union Square, Douglas H. Wigdor, associé de Kenneth Thompson, qui défend l’accusatrice de DSK, affecte une grande décontraction. "Notre cliente n’est pas une prostituée, explique-t-il. Le New York Post ne dispose d’aucune source sérieuse pour écrire cela. C’est une manipulation de la défense. Le journal sera condamné." Devant un mur tapissé des photos de son bonheur familial, il poursuit : "La vie de Nafissatou n’est peut-être pas toute rose. Lorsque vous défendez des clients dans le Bronx ou le Queens, vous êtes confrontés à des histoires complexes. Est-ce une raison pour leur refuser l’accès à la justice?"
Mais cette apparente sérénité du tandem Wigdor-Thompson n’est à l’évidence qu’une posture. En début de semaine, les avocats de Nafissatou Diallo ont, en effet, bien cru que le dossier de leur cliente allait s’effondrer, les entraînant dans sa chute. Cyrus Vance, le procureur de New York, qui avait jusque-là mené une charge impitoyable contre Dominique Strauss-Kahn, venait soudainement de faire volte-face en livrant au public ses doutes sur la personnalité de Nafissatou Diallo. Celle-ci, mariée religieusement à un Gambien incarcéré pour trafic de drogue en Arizona, a effectivement menti pour obtenir son statut de réfugiée. Elle a également escroqué les allocations familiales en s’inventant un deuxième enfant. Pis, elle aurait eu, après les faits, avec son "mari" une conversation en fulani – une langue utilisée par les Peuls –, qui laisserait supposer une tentative d’extorsion de fonds : "Je sais ce que je fais, il a plein d’argent", aurait-elle dit.

Besoin de l’adhésion de l’opinion publique

"Notre cliente n’a jamais tenu ces propos. Nous voulons connaître l’intégralité de cet échange. Pour l’instant, pour nous, il n’existe pas", conteste Kenneth Thompson. Lui et son associé ont confié au JDD leur détermination à aller "quoi qu’il en soit" devant les tribunaux civils. Car dans ce type d’affaires, les condamnations se chiffrent en millions de dollars. Or cette action serait sensiblement affaiblie si Cyrus Vance abandonnait les charges. Nafissatou Diallo étant d’un point vue juridique devenue un témoin fragile, ses défenseurs ont absolument besoin de l’adhésion de l’opinion publique pour sauver leur dossier. Ils ont d’ailleurs pris contact avec des médias américains pour une prochaine interview confession de la femme de chambre.
Cette semaine, le duo d’avocats a discrètement encouragé les manifestations de soutien public à l’égard de la plaignante. Les représentants des 100 Blacks in Law Enforcement Who Care, association de policiers noirs qui ont manifesté mercredi devant les bureaux du procureur, étaient préalablement entrés en contact avec le cabinet des avocats de Nafissatou Diallo. Mardi dernier, leur cliente a, par ailleurs, appelé sa communauté à l’aide ; celle-ci peut mobiliser dans les milieux africains. De son côté, l’ONG de défense des femmes à travers le monde, Equality Now, qui compte parmi ses adhérentes Jane Fonda et Meryl Streep, a d’ores et déjà assuré les Guinéens de son appui. Le syndicat des personnels de l’hôtellerie, le New York Hotel Trade Council, a, lui, renouvelé sa confiance à Nafissatou Diallo et récusé les rumeurs de prostitution. Aujourd’hui enfin, Bill Perkins, sénateur démocrate de l’État de New York, doit tenir une conférence de presse pour appuyer la défense de la jeune femme.

"Le dossier juridique est vide. Il n’y a rien"

Pour les proches de l’ancien patron du FMI, l’avenir, qui s’était soudain éclairci avec la levée des conditions les plus contraignantes de sa liberté sous caution, semble à nouveau incertain. En début de semaine encore, les proches de Dominique Strauss-Kahn espéraient un happy end, synonyme d’une rapide réhabilitation. Le scénario du come-back était écrit : un passage par Washington, une visite discrète au FMI puis un retour en France avec, à la clé, les réflexions d’un homme changé par une terrible épreuve. Aujourd’hui, alors qu’Anne Sinclair et son mari s’apprêtent à quitter New York pour une demeure plus difficile d’accès aux journalistes, la perspective d’une issue rapide s’éloigne.
"Pour nous, le dossier juridique est vide, martèle un proche, il n’y a rien." Si la relation sexuelle n’est pas niée, le récit de la présumée victime est toujours aussi violemment contesté. "Si le procureur Vance doit prendre son temps pour clore son enquête, c’est finalement très bien, poursuit-il. On ne pourra pas nous opposer la précipitation et l’absence de preuves…" En l’état, le rapport médical établi quelques heures après les faits et les témoignages recueillis à l’intérieur de l’hôtel, notamment celui de l’employé présent dans la suite 2806, corroborent le récit de la jeune femme. Mais les incohérences de son témoignage et le mystère qui entoure encore sa vie new-yorkaise la desservent. Et la question première – y a-t-il eu viol ou non? – n’a toujours pas trouvé de réponse.

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