dimanche 31 juillet 2011

L'affaire Strauss-Kahn divise les juristes américains

Au terme d'une semaine marquée par des développements spectaculaires, le volet américain de l'affaire Strauss-Kahn, accusé d'agression sexuelle par une femme de chambre du Sofitel de Manhattan, continue de diviser les spécialistes du droit américain.
Au bureau de Cyrus Vance, le procureur de Manhattan, on souligne que l'enquête est toujours en cours.
Mais le nouveau report de l'audience judiciaire, programmée initialement le 16 juillet avant d'être repoussée au 1er août puis désormais au 23 août, a relancé les spéculations sur un possible abandon des charges, qu'avaient déjà alimenté les doutes apparus sur la crédibilité de Nafissatou Diallo.
"Chaque juré devra être convaincu au-delà du doute raisonnable qu'elle dit la vérité. La charge qui pèse sur le procureur est énorme. Voudra-t-il aller jusqu'au bout dans une affaire qui semble aussi difficile ?", s'interroge Bennett Gershman, ancien procureur de Manhattan aujourd'hui professeur de droit à la Pace University.
Après deux mois et demi de silence et d'anonymat, Nafissatou Diallo est apparue en pleine lumière au cours de la semaine écoulée en accordant dimanche des interviews à ABC et à l'hebdomadaire Newsweek avant d'apparaître devant une forêt de micros et de caméras jeudi dans une église de Brooklyn.
L'accusatrice de Dominique Strauss-Kahn a livré sa version de ce qui s'est passé le 14 mai dans la suite 2806 du Sofitel de Manhattan où était descendu l'ex-directeur général du FMI et ancien favori des sondages en vue de la présidentielle de 2012 en France.
La femme de chambre guinéenne, qui est âgée de 32 ans, a été entendue mercredi à huis clos pendant plus de huit heures par les procureurs.
Pour plusieurs juristes, anciens procureurs, son avocat, Kenneth Thompson, a commis, en la laissant parler, une erreur que la défense de DSK saura exploiter si procès il y a.
"C'est un filon dans lequel la défense pourra creuser", dit l'avocat Jeremy Saland, qui a travaillé par le passé au bureau du procureur de Manhattan. La moindre contradiction, la moindre variation dans ses propos pourront servir aux défenseurs de Dominique Strauss-Kahn, qui nie toute agression sexuelle, à discréditer la parole de son accusatrice.
Certains avancent même qu'en optant pour cette stratégie de médiatisation de sa cliente, Kenneth Thompson montre qu'il ne croit plus en l'issue de la procédure pénale. Il a du reste annoncé son intention d'engager une procédure au civil.
A l'inverse, d'autres spécialistes du droit américain voient dans cette évolution de la stratégie de Kenneth Thompson un moyen de faire pression sur le procureur Vance.
John Moscow, ancien directeur adjoint du département des enquêtes au bureau du procureur, estime que les éléments médico-légaux penchent pour une relation sexuelle forcée. Et que ces éléments-là pourraient effacer les doutes apparus sur la crédibilité de la parole de Nafissatou Diallo.
Dans un procès de ce type, qui se joue essentiellement "parole contre parole", les révélations sur les mensonges de la femme de chambre dans sa demande d'asile, en 2003, ont largement affaibli l'accusation. Nafissatou Diallo affirmait notamment avoir été victime d'un viol collectif en Guinée. Elle a reconnu depuis qu'elle avait modifié les faits pour faire avancer son dossier.
Mais Daniel Bibb, lui aussi ancien procureur, n'est pas persuadé que des jurés lui en tiendraient rigueur.
"Dans une affaire de viol 'normale', je dirais que la découverte de fausses allégations sur un viol antérieur serait fatale à l'accusation. Mais dans ce cas précis, je n'en suis pas si sûr, tout simplement parce que les motifs qui l'ont poussée à se dire victime d'un viol collectif (en Guinée) n'étaient pas malveillants", explique-t-il.
http://www.lexpress.fr/actualites/2/actualite/l-affaire-strauss-kahn-divise-les-juristes-americains_1016617.html

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