Jusque ici, l’employée du Sofitel Manhattan qui affirme avoir été agressée par DSK était en quelque sorte une victime idéale. Une modeste femme de chambre, veuve, mère isolée d’une ado de 15 ans, employée modèle, discrète et sans histoires. Arrivée aux Etats-Unis en 2004 après avoir fui le pauvre village de Guinée où elle est née il y a trente-deux ans, Nafissatou Diallo s’était, semble-t-il, glissée à merveille dans le costume de l’icône du rêve américain.
Dans la fable du faible contre le fort, entre le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) et l’immigrée courageuse, on ne pouvait imaginer meilleur casting.
Pour le procureur de Manhattan, bien décidé à porter les accusations formulées par la salariée du Sofitel, l’affaire se présentait donc dans les meilleures conditions. Il ne restait plus qu’à préserver l’intégrité de ce personnage central protégé et caché comme un trésor. Mais le vernis est en train de craquer. Les dernières révélations, qui évoquent des « mensonges » de la victime, ne modifient pas le fond de l’affaire : hier, à la sortie du tribunal, son avocat Kenneth Thompson a violemment contre-attaqué en livrant des détails inédits sur le viol présumé. La relation sexuelle est d’ailleurs admise. Il n’empêche, Nafissatou Diallo se retrouve dans une situation délicate : celle d’une femme présentée comme une menteuse, aux connaissances douteuses et désormais sur le banc des accusés.
Décrite par ses proches, tant en Guinée qu’aux Etats-Unis, comme une « musulmane très pieuse » et une femme « très respectable », la plaignante a aujourd’hui perdu énormément de crédit. Selon le « New York Times », l’enquête des services du procureur a prouvé qu’elle avait passé un coup de téléphone, le jour de l’agression présumée, à un de ses amis impliqué dans une affaire de stupéfiants incarcéré à la prison de Rikers Island, celle où DSK a passé trois nuits. Au cours de la conversation, ils auraient évoqué le bénéfice financier potentiel des accusations portées contre DSK. Plus surprenant, les investigations auraient révélé que l’ancienne serveuse avait reçu, ces deux dernières années, plusieurs versements sur son compte en banque pour un montant total de 100000 $. De quoi nourrir des suspicions de blanchiment.
Ces deux éléments évoqués par le « New York Times » ne font pourtant pas partie des arguments livrés par le procureur Cyrus Vance Jr. Dans un document diffusé hier à l’issue de l’audience, le magistrat insiste sur les « mensonges » de la plaignante lors du dépôt de sa demande d’asile en 2004. Contrairement à ce qu’elle a confié à l’époque et à ce qu’elle a répété aux services du parquet, Nafissatou Diallo n’aurait pas été battue ni victime d’un viol collectif en Guinée. Elle aurait en fait livré une fausse version apprise par cœur sur cassette audio. « Désormais, la plaignante déclare qu’elle va témoigner qu’elle a été violée par le passé dans son pays d’origine, mais dans des circonstances différentes de celles décrites lors des premiers interrogatoires », nuance le procureur.
Le scénario des minutes qui ont suivi l’agression présumée dans la suite 2806 se retrouve lui aussi complètement chamboulé. Selon la version en vigueur jusqu’à hier, après avoir subi ce dont elle accuse le patron du FMI, Nafissatou Diallo se serait réfugiée dans un local technique où ses collègues l’ont découverte prostrée et en état de choc. Or, devant les enquêteurs, la femme de chambre a admis qu’après l’agression présumée elle avait en fait nettoyé une chambre voisine avant de retourner dans la suite 2806 pour débuter le ménage.
La mise en cause de l’intégrité et de la crédibilité de Nafissatou Diallo, à mille lieux de son image lisse et sans faille, a provoqué la stupeur de ses proches. « C’est complètement faux, réagit Mamadou Diallo, son demi-frère installé à Indianapolis, à qui nous avons appris la nouvelle hier par téléphone. Je ne peux pas y croire. » Evoquant une « nouvelle choquante », ce dernier explique : « Si ces accusations sont vraies, alors elle a complètement détruit sa vie. » « Je démens catégoriquement les accusations portées contre ma sœur, ajoute un autre frère installé en Guinée, joint hier par RFI et l’AFP. Nous sommes des descendants d’érudits musulmans très pieux, nous ne pouvons pas nous laisser emporter par le gain facile de l’argent. »
Dans la communauté guinéenne de New York, la perplexité est également de mise. « Je ne connais pas personnellement Nafissatou, admet Souleymane Diallo, un de ses représentants. Mais toutes nos enquêtes, faites par des personnes qui ne se connaissaient pas, ont décrit une femme sérieuse qui voulait avant tout donner une bonne éducation à sa fille. Nous avons beaucoup de mal à imaginer que ça ne soit pas la vérité. Ça nous surprendrait beaucoup. »
Nafissatou Diallo est décidément une énigme. Sous la pression, elle devrait prochainement s’exprimer publiquement. Le poids sur ses épaules n’a jamais été aussi lourd.
http://www.leparisien.fr/dsk-la-chute/nafissatou-ange-ou-demon-02-07-2011-1517818.php
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